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Grand reportage

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RFI

RFI propose un grand reportage réalisé par les envoyés spéciaux et les correspondants de la rédaction, partout dans le monde. Diffusion du lundi au jeudi à 19h40 TU. (et 03h10 TU du mardi au vendredi, à partir du 31 mars 2024). 

Le samedi et le dimanche à 09h10 TU, Patrick Adam, rédacteur en chef de l'information monde vous présente une version enrichie, sur 50 minutes avec la diffusion de deux Grands Reportages et à l’issue, un entretien avec leurs auteurs.

804 - L’Allemagne face à l’extrême droite : les raisons d’une percée électorale
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  • 804 - L’Allemagne face à l’extrême droite : les raisons d’une percée électorale

    Deuxième volet de notre série spéciale « Élections européennes : la montée des nationalismes en question ». Contrairement à d’autres pays européens, l’Allemagne a longtemps été épargnée par le populisme de droite. Cela a changé avec le parti AfD, l’Alternative pour l’Allemagne. Il pourrait devenir la deuxième force politique lors des élections européennes. Fondée il y a 11 ans, cette formation classée « d’extrême droite avérée » par plusieurs gouvernements régionaux, ne cesse de gagner du terrain. Et cela malgré les scandales qui ont touché le parti, des procès pour incitation à la haine aux accusations récentes d’espionnage.

    Nous sommes sur le marché d’Oberursel, une ville dans la banlieue aisée de Francfort. C’est le début de la campagne électorale pour les Européennes. Les partis politiques ont installé leurs stands. Celui de l’AfD se trouve à côté d’un manège pour enfants. Peter Lutz de la section locale du parti distribue des brochures avec le slogan : « Pour une remigration légale au lieu d’une immigration illégale ». Il faut savoir qu’en Allemagne, le terme « remigration » fait polémique depuis quelques mois. En novembre dernier (2023), une réunion secrète révélée par la presse avait eu lieu à Potsdam, avec des néonazis et des cadres de l’AfD. L’objectif : discuter d’un « plan remigration », soit l’expulsion de millions d’étrangers et de personnes considéréees comme « non assimilées ». Cette réunion a provoqué un tollé mais n’a pas porté préjudice à l’AfD, explique Paul Beuter, un autre cadre du parti à Oberursel : « De plus en plus de gens se rendent compte que leurs préoccupations sont ignorées par les partis traditionnels. Ça commence par la politique d’immigration qui va au-delà de ce que ce pays peut supporter. »

    Paul Beuter cite l’exemple de sa ville d’Oberursel qui a dû construire deux nouveaux centres d’accueil de réfugiés, pour un total de 550 personnes. Et en plus, trois nouveaux postes à la mairie pour gérer ce dossier. Selon Peter Lutz, « on a laissé entrer trop de migrants en Allemagne. Tous ceux qui n’ont plus le droit de rester, qui viennent des pays sûrs ou qui devraient être reconduits, doivent partir. »

    En Hesse, l’AfD attire les cadres moyens

    L’AfD a été fondée ici à Oberursel, il y a onze ans, par une vingtaine de personnes, notamment des professeurs d’université et des intellectuels de droite. Parmi eux, Konrad Adam, ancien journaliste au quotidien conservateur et libéral Frankfurter Allgemeine Zeitung. Aujourd’hui âgé de 82 ans, il rappelle l’objectif de départ : « relancer la démocratie ». Déçus à l’époque de voir tous les partis « aller dans la même direction », les fondateurs de l’AfD voulaient créer un parti d’opposition national-conservateur pour « permettre aux citoyens d’avoir le choix lorsqu’ils se rendent aux urnes ». Mais pour Konrad Adam, le parti a pris un virage trop extrême. En 2020, il claque la porte de l’AfD, au moment de ses premiers succès électoraux.

    En Hesse, l’une des régions les plus riches du pays, l’AfD est devenue la deuxième force politique, après le parti conservateur de la CDU. Parmi ses bastions, la Wetterau, une région rurale à une heure de route de Francfort. À Schotten, jolie bourgade avec ses maisons à colombages, Thomas est en train de charger ses courses sur un pick-up. Oui, cela fait des années qu’il vote pour l’AfD, explique ce sexagénaire. Et tous ses amis font pareil. Selon cet agent administratif, cadre moyen dans le service du ramassage des ordures, le pays va dans la mauvaise direction. Il refuse la politique « va-t-en guerre avec la Russie », pense que Moscou et Kiev devraient « gérer leurs problèmes entre eux ». Il est parti de Francfort où il a vécu 40 ans : « Il y avait trop de bars à chicha, je n’entendais plus ma langue. » Financièrement, explique-t-il, ça va, il s’en sort bien. Mais il a toutefois peur du déclassement social, une fois devenu retraité. « J’espère que vous n’allez pas déformer mes propos comme le fait souvent la presse », lance-t-il, à la fin de la conversation.

    « Je voterai pour protéger la démocratie »

    Pourquoi un tiers des électeurs de cette région ont-ils voté pour l’AfD ? Difficile à comprendre pour cet agriculteur bio qui nous accueille dans sa ferme mais préfère rester anonyme. Voici tout ce qu’il sait : de plus en plus de personnes autour de lui, des clients, des fournisseurs, des ouvriers, des mécaniciens ou des collègues, sont attirés par l’AfD. Et cela lui pèse. « Avant, il n’y avait dans le coin que quelques types du NPD [Parti national-démocrate d’Allemagne, rebaptisé La Patrie, formation néonazie, NDRL]. On pouvait les ignorer. Mais avec les électeurs de l’AfD, toujours plus nombreux, ce n’est pas possible, surtout lorsqu’on est un entrepreneur comme moi. »Ce père de 6 enfants assure qu’il ira voter aux Européennes, car il faut « protéger notre système démocratique ».

    Tensions en hausse entre pro et anti-AfD

    En Saxe, le parti populiste est le grand favori lors des élections régionales en septembre prochain (2024). Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’ambiance dans cette région de l’Allemagne de l’Est. La tension entre sympathisants et opposants de l’AfD est particulièrement tangible à Bautzen, ville médiévale de caractère près de la frontière tchèque. Soutenu par le parti d’extrême droite, des centaines de manifestants défilent tous les lundis à travers la ville.

    C’est une procession étrange et menaçante qui inonde les rues pour converger vers la place centrale. Des jeunes néonazis côtoient parfois des membres du Black Block venus de Dresde, mais aussi de plus en plus de partisans de la Russie, sans oublier ceux qui forment la tête du cortège, portant des grandes croix blanches, pour dénoncer la politique sanitaire lors de la pandémie du Covid. Les orateurs et oratrices qui se succèdent à la tribune dénoncent pêle-mêle la politique allemande de soutien à l’Ukraine, un manque de liberté en général, l’Union européenne et l’éducation sexuelle dans les écoles.

    « Pourquoi ils gagnent deux fois plus à l’Ouest qu’à l’Est ? »

    Un homme arbore fièrement le drapeau du premier empire allemand. Cela fait « plus de trois ans et plus de 160 fois », qu’il vient ici à Bautzen, toutes les semaines. Électeur fervent de l’AfD, il dénonce la précarité des retraités en Allemagne de l’Est. « J’ai travaillé pendant 43 ans sur des chantiers et je reçois moins de 1000 euros par mois. Et tous ceux qui viennent ici, ces migrants, ils s’en sortent mieux que moi. J’ai cinq petits-enfants mais je n’ai pas d’argent pour leur faire des cadeaux. Alors ils me demandent : « Mais grand-père, tu n’as pas travaillé ? - Ben si, je leur réponds, mais je me suis fait avoir ! »Son ami, lui aussi un sympathisant de l’AfD, regrette que le salaire à l’Est soit toujours inférieur à celui à l’Ouest. « Il y a 10 ans, j’ai travaillé à l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, j’ai gagné plus de 2000 euros. Quand je suis retourné ici, après avoir rencontré quelqu’un, j’ai touché 1000 euros de moins. Ça me rend dingue : pourquoi ces différences ? Pourquoi il ne peut pas y avoir une seule Allemagne ? »

    Ces manifestations d’extrême droite ont créé un climat pesant dans la ville, confie la directrice de « Willkommen in Bautzen » (Bienvenu à Bautzen), une association locale qui milite pour une ville ouverte et tolérante. 

    « Je ne sors plus le lundi soir et ne prends plus de rendez-vous chez le médecin », témoigne une autre habitante. Thilo Jung, un jeune responsable du parti de gauche Die Linke, acquiesce : « Une ambiance d’extrême droite s’est installée à Bautzen. Lorsque je me rends ici, je réfléchis à deux fois quel T-Shirt je mets pour ne pas provoquer de réactions violentes. »  

    Afin de ne pas laisser l’espace public à l’extrême droite, plusieurs associations de Bautzen ont créé un festival, le « Happy Monday ». Tous les lundis, des évènements culturels permettent aux habitants de sortir à nouveau « avec un sourire », comme le souligne une des organisatrices. Cette initiative déplait fortement aux milieux extrémistes de la ville qui envoient des jeunes néonazis « patrouiller » autour des concerts et autres spectacles, sous l’œil d’une dizaine de policiers qui font en sorte que le Happy Monday ne tourne pas au drame.

    En images

     

    Comment combattre l’AfD ?

    Réagir face à la montée de l’extrême droite peut prendre des formes différentes. La professeure d’histoire Katja Gerhardi a décidé de rejoindre la section locale du parti conservateur CDU de Bautzen, dont elle est devenue la présidente. « Quand j’entends les propos de l’AfD,explique-t-elle, et que je vois les groupuscules qui gravitent autour de ce parti, par exemple ici à Bautzen, j’ai très peur. Ce n’est pas un parti démocratique. Moi je suis profondément démocrate et je veux que notre démocratie continue à exister. Je veux aussi que mes trois fils continuent à vivre dans une démocratie ».

    Comment ignorer un parti désormais solidement enraciné à l’échelon local ? N’en déplaise aux dirigeants de la CDU qui mettent en garde contre des collaborations avec l’AfD, la réalité ne laisse souvent guère de choix, selon Katja Gerhardi. « Je vous donne un exemple concret : l’AfD a présenté un projet qui visait l’installation d’un abribus pour protéger les enfants de la pluie. Moi, en tant que membre de la CDU, j’ai évidemment soutenu le projet. Je n’aurais jamais pu dire : « Ah non, je vote contre parce que ça vient de l’AfD et tant pis si les enfants attendent sous la pluie ! »

    Ces débats pour savoir s’il faut ou non collaborer avec une formation que le gouvernement de la Saxe a qualifiée « d’extrême droite avérée » ne semblent pas impressionner l’électeur. Lui continue à cocher sa croix dans la case de l’AfD sur son bulletin de vote. Comme à Pirna, près de Dresde, où pour la première fois en Allemagne, le parti a conquis la mairie d’une grande ville. Tim Lochner a pris ses fonctions il y a tout juste deux mois et il est visiblement fier d’avoir fait la Une de la presse internationale.

    « Que l’AfD fasse mouche notamment ici à l’Est est lié à une partie de la population, qui a vécu la chute du Mur,explique le maire. Ceux qui ont connu la RDA sont plus sensibles à ce que disent les médias publics. Ils se souviennent qu’à cette époque les médias officiels se sont bien moqués des citoyens. Donc aujourd’hui, si vous êtes un homme politique et que vous expliquez à un ancien citoyen de la RDA dans le journal d’information comment il doit se laver les mains pendant la pandémie du Covid, il décroche. »

    Pour Tim Lochner, la politique du gouvernement comme le soutien aux grandes entreprises en difficulté rappellent le socialisme qu’il avait pensé avoir laissé derrière lui. « Quelle liberté a-t-on aujourd’hui encore ?, s’exclame-t-il. Vous pouvez vivre dans la plus belle démocratie du monde mais si vous n’avez pas d’argent, vous êtes limités dans vos mouvements ». Que ferait donc l’AfD pour aider les gens avec des revenus modestes ? « Si jamais l’AfD arrivait au pouvoir, il n’y aurait plus de taxe sur les émissions de CO2 », répond Tim Lochner qui se targue aussi d’avoir mis fin, dans une de ses premières décisions en tant que maire, à un projet de pistes cyclables dans les deux sens. « Cela aurait gêné les voitures. »

    L’AfD aspire à prendre le pouvoir en Saxe

    Après Pirna, la Saxe entière ? C’est le rêve de Jörg Urban, tête de liste de l’AfD pour l’élection régionale en septembre. Il pourrait obtenir plus de 30 % des voix mais il aura du mal à former une coalition pour gouverner. Proche de l’aile nationale-patriote du parti, il nie toute dérive extrémiste : « Pour moi, l’AfD est un parti du centre, nous ne défendons pas de positions radicales. Ce sont des légendes. »Selon Urban, ce sont les autres partis qui commencent à adopter les positions de l’AfD, notamment sur l’immigration.

    La percée électorale de l’AfD est-elle irrésistible ? Difficile à dire aujourd’hui. Mais les migrants, eux, craignent déjà une victoire plus large. Sabri Assi est un jeune Kurde de Syrie qui vit depuis sept ans en Saxe. C’est en Allemagne qu’il a appris à lire et à écrire. Avec son certificat de fin d’études secondaires, il espère trouver une formation et aimerait bien rester dans le pays. L’AfD lui fait un peu peur : « Tant que je travaille bien et que je ne fais pas de bêtises, que je me comporte bien, alors ils ne peuvent pas m’expulser. » Le discours de l’AfD lui rappelle celui des Nazis contre les Juifs : « Ce sont toujours les étrangers qui sont pointés du doigt. »

    Un étudiant en droit pakistanais rencontré à l’Université de Dresde confie : « je suis venu avec une haute opinion des Allemands, j’ai lu Nietzsche et Marx. L’avantage des pays européens, c’est que ce sont des sociétés ouvertes. Les gens sont guidés par la raison et la logique. Si à présent, un état d’esprit conservateur rétrograde se répand dans ces pays, ce serait très dangereux. Nous avons vu ce que cela donne chez nous. »

    Mon, 06 May 2024
  • 803 - LE SUPPLÉMENT DU DIMANCHE Au Soudan du Sud, les ravages du mystérieux syndrome du hochement de tête ET En Amérique du Nord, le retour vital du bison dans les Grandes Plaines

    Au Soudan du Sud, les ravages du mystérieux syndrome du hochement de tête

    Le syndrome du hochement de tête touche les enfants à partir de trois ans. La maladie débute par des épisodes de hochement de la tête accompagnés de perte de connaissance. En l’absence de prise en charge médicale, les symptômes s’aggravent au fil des mois : crises d’épilepsie, retards de croissance, handicap mental... La Tanzanie, le Cameroun, la RDC ou encore la République Centrafricaine sont touchés. Mais c’est au Soudan du Sud que les cas sont les plus nombreux, on en dénombre au moins 6 000 dans la région d’Equatoria-Occidental.

    Un Grand reportage de Florence Miettaux qui s'entretient avec Patrick Adam.

     

    En Amérique du Nord, le retour vital du bison dans les Grandes Plaines 

    Les bisons américains, aussi appelés buffalos, ont failli disparaître à la fin du XIXè siècle et avec eux tout un pan de la culture de Quinton Crowshoe, membre de la communauté Piikani, une Première nation de l'ouest du Canada.

    Ce lourd passé colonial est désormais un véritable moteur pour la réintroduction des bisons, entre réconciliation culturelle, écologique et économique, pour les descendants des colonisateurs et des peuples autochtones.

    Un Grand reportage de Léopold Picot qui s'entretient avec Patrick Adam.

    Sun, 05 May 2024
  • 802 - LE SUPPLÉMENT DU SAMEDI Santé mentale des jeunes, les difficultés de la prise en charge ET Le supplice des migrants subsahariens en Tunisie

    Santé mentale des jeunes, les difficultés de la prise en charge

    C’est devenu un fait de société, en France, ailleurs aussi. Les jeunes vont mal, la santé mentale se dégrade avec notamment des dépressions de plus en plus tôt. Et la crise sanitaire liée au Covid a tout accéléré. Dans le nord de la France, les passages aux urgences pour gestes et idées suicidaires, les consultations pour troubles anxieux et angoisses ont augmenté chez les 10 ans et plus.

    En 2021, les tentatives de suicides chez les jeunes étaient même 4 fois supérieures à la moyenne nationale. Une dégradation de la santé mentale qui se heurte à une dégradation du secteur psychiatrique en crise depuis plusieurs années.

    Un Grand reportage de Lise Verbeke qui s'entretient avec Patrick Adam.

     

    Le supplice des migrants subsahariens en Tunisie

    C’était l’an dernier (2023), le président tunisien s’en prenait aux migrants, établis ou de passage en Tunisie. Des propos qui avaient été suivis de semaines de violences anti-Noirs qui ont culminé, durant l'été 2023, avec des migrants déportés par centaines vers des zones désertiques ou vers les frontières avec l’Algérie et la Libye. Sans eau, sans nourriture, et en plein été. Aujourd’hui, les migrants sont moins nombreux dans les grandes villes de Tunisie, les tensions ont-elles pour autant disparu ?

    Un Grand reportage d'Amira Souilem qui s'entretient avec Patrick Adam.

    Sat, 04 May 2024
  • 801 - Soudan du Sud: les ravages du mystérieux syndrome du hochement de tête

    Le syndrome du hochement de tête touche les enfants à partir de trois ans. La maladie débute par des épisodes de hochement de la tête accompagnés de perte de connaissance. En l’absence de prise en charge médicale, les symptômes s’aggravent au fil des mois : crises d’épilepsie, retards de croissance, handicap mental... La Tanzanie, le Cameroun, la RDC ou encore la République Centrafricaine sont touchés. Mais c’est au Soudan du Sud que les cas sont les plus nombreux, on en dénombre au moins 6 000 dans la région d’Equatoria-Occidental.

    De notre correspondante, 

    À Mvolo, comme à Mundri et dans tous les villages lourdement touchés par le syndrome du hochement de tête au Soudan du Sud, les habitants prennent leur mal en patience. Les projets de recherche n’ont pour l’instant apporté qu’une partie des réponses, échouant jusqu’ici à percer le mystère de la cause de cette maladie. Et les questions sont nombreuses : la maladie est-elle contagieuse, se transmet-elle d’une personne à l’autre ? C’est une idée très répandue, qui conduit à l’isolement des enfants malades, mais elle est fausse.

    « Les analyses montrent que le syndrome du hochement de tête est une forme d’épilepsie. Et donc, comme il s’agit d’une maladie neurologique, il est impossible qu’elle se transmette d’une personne à l’autre », affirme le chercheur Stephen Jada, un médecin sud-soudanais qui réalise sa thèse de doctorat sur le syndrome du hochement de tête tout en pilotant les recherches menées par l’ONG Amref Health Africa sur le sujet. 

    « Le fait, observé par les populations concernées, que dans une même famille, ou dans un même village, les enfants développent la maladie les uns après les autres, a été étudié, et la théorie d’une contagiosité a été écartée », poursuit-il. « Ce que les études ont confirmé, c’est que toutes les personnes ayant développé cette maladie ont été exposées aux mêmes facteurs environnementaux. Il y a donc quelque chose dans l’environnement qui déclenche la manifestation de la maladie chez elles», explique le docteur.

    La théorie qui prédomine à l’heure actuelle, c’est que le syndrome du hochement de tête serait une forme d’épilepsie « associée » à l’onchocercose, la « cécité des rivières ». Maladie parasitaire endémique dans la région, elle est transmise par les morsures de mouches noires qui se reproduisent dans les hautes herbes au bord des cours d’eau à courant rapide, comme les rivières de Mundri, de Mvolo et de tous les villages sud-soudanais où les cas de syndrome du hochement de tête ont explosé depuis trente ans.

    Mais aujourd’hui encore, tous les chercheurs ne sont pas d’accord. Et d’autres théories ont été avancées : des déficiences nutritionnelles parmi la population touchée, la consommation d’aide alimentaire contaminée par un germe, ou encore l’usage d’armes chimiques dans ces zones qui ont aussi pour point commun – outre leur proximité avec des cours d’eau – d’avoir été des zones de conflit…

    En effet, au Soudan du Sud, la région d’Equatoria-Occidental a été une zone de combats intenses lors de la seconde guerre civile soudanaise (1983-2005). Le nord de l’Ouganda a lui aussi été un terrain de guerre, en proie aux violences de la Lord’s Resistance Army (LRA) dans les années 1990. Dans les deux régions, les cas de syndrome du hochement de tête se sont multipliés pendant ces conflits marqués par d’importants déplacements de populations.

    Des causes inconnues

    « Ces autres causes possibles ont été analysées, sans succès », affirme pourtant le docteur Gasim Abd-Elfarag, autre spécialiste sud-soudanais du syndrome du hochement de tête. « De nombreuses recherches ont été consacrées à la cause du syndrome du hochement de tête. Nous avons cherché des virus, des bactéries, des parasites… Toutes ces recherches ont été réalisées, sans résultats concluants », avoue-t-il. « La cause exacte de cette maladie reste un mystère. »

    Pour lui comme pour le groupe de chercheurs réunis au sein de la Nodding Syndrome Alliance, un consortium d’ONG et d’universités créé en 2019, il s’agit dès lors surtout de conduire « des études basées sur des interventions, pour voir lesquelles fonctionnent le mieux pour aider ces enfants, soulager leurs symptômes et soutenir la communauté affectée par la maladie ».

    Les médicaments antiépileptiques permettent de fait une amélioration considérable de la qualité de vie des patients, et favorisent notamment leur retour à l’école. Et il s’agit également de contrôler l’onchocercose. Car le lien entre les deux maladies semble difficile à nier. « Parmi les communautés vivant près des rivières, où l’onchocercose est très répandue, les cas d’épilepsie et de syndrome du hochement de tête sont plus nombreux », explique Stephen Jada. « Plus vous vous éloignez de la rivière, plus le nombre de cas diminue. Et quand vous allez dans les villages où il n’y a pas de rivière, où vous n’observez pas de morsures de mouches noires, les cas de syndrome du hochement de tête sont rares voire absents ».

    Pourtant, « nous ne savons pas comment l’onchocercose pourrait provoquer ça. Des tests ont été réalisés pour voir si les parasites atteignent le cerveau, ou s’ils libèrent une toxine qui provoque la maladie, sans succès. Tout cela est encore en cours d’investigation ». Malgré ces zones d’ombres, éradiquer le syndrome du hochement de tête reste pour Stephen Jada envisageable. C’est même son objectif proclamé.

    Les résultats des interventions menées à Maridi ces dernières années donnent au chercheur de quoi rester optimiste. Dans cette autre ville d’Equatoria-Occidental très affectée par la maladie, des interventions de contrôle de l’onchocercose ont été mises en place : la coupe des herbes où se reproduisent les mouches noires, près de la rivière, a été menée conjointement à des campagnes d’administration de vermifuge à la population. Ces efforts ont porté leurs fruits : depuis 2018, le nombre de nouveaux cas de syndrome du hochement de tête a été divisé par quinze.

    Thu, 02 May 2024
  • 800 - Italie: les ambitions de Giorgia Meloni pour l’extrême droite européenne

    Premier volet de notre série spéciale : « Élections européennes : la montée des nationalismes en question ». En Italie, cela fait un an et demi qu'elle est au pouvoir et elle va affronter le 9 juin prochain, avec les élections européennes, son premier grand test électoral. Forte du soutien de sa base, confortée par le succès de sa stratégie de normalisation, Giorgia Meloni veut servir de référence à l'extrême-droite européenne et espère, à l’issue de ce scrutin, peser le plus possible sur les choix politiques de l'Union européenne. 

    « Ici, avant, il n’y avait que des cabanes ! C’était une zone presque rurale, avec des champs tout autour de l’église et puis, petit à petit, cette partie de la ville est sortie de terre avec les logements construits par Mussolini ». Il est 9 heures du matin, Giuliana prend le temps de boire un petit café avec ses amies avant d’aller faire ses courses. Cette restauratrice à la retraite habite depuis les années 1980 à la Garbatella, un quartier populaire de Rome réputé pour ses petites ruelles et ses maisons typiques des années 1930. La Garbatella a servi de décor à de nombreux films italiens, dont le fameux « Journal Intime » de Nanni Moretti, mais est surtout connue désormais pour avoir été le quartier de jeunesse de Giorgia Meloni, la dirigeante italienne arrivée au pouvoir à l’automne 2022. « Mon neveu est allé dans la même école », lance Guilana, tout sourire… «et quand le recteur est mort, elle est venue à la messe pour lui rendre hommage ! Je suis vraiment fière qu’elle soit de notre quartier. Et ce qui me rend fière c’est qu’elle est restée telle qu’elle était… Et puis j’aime sa façon de penser, je l’aime parce qu’elle fait beaucoup pour les gens… et qu’elle est restée proche de nous !»

    Lors des élections législatives de l’automne 2022, Giorgia Meloni a obtenu 20% des voix à la Garbatella, un score inférieur à sa moyenne nationale mais très élevé pour un quartier qui a toujours voté à gauche. Venue de l’extrême droite et d’un parti néofasciste qui a renié ses origines sulfureuses, la cheffe de Fratelli d’Italia s’est imposée dans les urnes en prônant le retour aux valeurs familiales, et une lutte sans merci contre l’immigration illégale. Et c’est bien ce discours populiste et autoritaire qui a séduit Gerardo, un vendeur de fruits et légumes installé à la Garbatella depuis 25 ans. «Aujourd’hui, avec tous ces non-européens qui sont ici, vous ne pouvez plus circuler dans la rue à certaines heures parce que vous risquez d’être agressé, ou violée si vous êtes une femme », s’indigne-t-il entre deux clients. « Nous, en Italie, nous avons besoin de plus de sécurité, de surveillance.»

    Autre attente des électeurs de Giorgia Meloni : le changement, la rupture avec tous les partis qui ont dirigé l’Italie au cours des dix dernières années… « Moi j’ai voté pour elle parce que je veux qu’elle change le système », pointe Gerardo. « Avant elle, on a essayé le Mouvement 5 étoiles, la Ligue du Nord… mais on a bien vu qu’ils n’étaient pas à la hauteur ! Elle est partie du bas, elle est restée simple et elle a fait son chemin lentement… Et même si tout n’a pas changé depuis qu’elle est élue, il faut lui laisser du temps. C’est comme une plante qu’on a semée, il faut la laisser grandir, la laisser arriver à maturité.»

    « Fasciste, raciste et homophobe »

    18 mois après sa victoire éclatante aux législatives, Giorgia Meloni conserve le soutien de sa base électorale. Et à quelques semaines des élections européennes, les sondages annoncent un résultat supérieur aux 25% remportés par son parti, les Fratelli d’Italia, aux législatives de 2022. Face à cette victoire annoncée du parti d’extrême-droite, les électeurs de gauche ne cachent ni leur inquiétude ni leur découragement. «Je ne l’aime pas, je n’aime pas ce qu’elle dit, je n’aime pas sa politique,souffle Christina, une comédienne de 28 ans, lunettes noires et cheveux teintés en bleu. Elle est raciste, elle n’aime pas les homosexuels et dit vraiment des saloperies sur eux… » Même rejet, même inquiétude chez Rita, kinésithérapeute à la retraite qui vote communiste et se dit antifasciste : « ce qui m’inquiète c’est cette focalisation sur la famille traditionnelle, sur l’immigration. Meloni est insupportable dans sa façon de se comporter. Et puis elle est trop à droite, trop fasciste… ça ne me correspond pas du tout ». Pour ces deux électrices de gauche, Giorgia Meloni n’a pas réellement rompu avec son passé de militante au sein du MSI, le parti néo-fasciste italien. En revanche, auprès de ses électeurs de droite, le travail de normalisation a fini par payer. À la tête des Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni se veut la championne d’une droite conservatrice, décomplexée, mais qui refuse d’être considérée comme un parti d’extrême-droite... et surtout qui assure avoir pris ses distances avec le passé fasciste de l’Italie.

    Cette stratégie de normalisation, Giorgia Meloni l’a d’abord mise en œuvre pour rassurer les électeurs italiens. Puis, une fois élue, elle l’a de nouveau employée, mais cette fois vis-à-vis de l’extérieur. « Elle a passé ces 18 derniers mois à essayer de se renforcer aux yeux de l’opinion publique internationale », décrypte l’historien Giovanni Orsina, de l’Université Luiss à Rome. « Elle a fait un travail énorme pour se légitimer et pour dissiper l’idée qu’elle était une dangereuse fasciste et qu’elle allait tout casser. Elle a voulu montrer qu’elle était une interlocutrice valable vis-à-vis de l’Europe, vis-à-vis de l’Otan. Et elle y est parvenue ! »

    À l’extérieur de l’Italie, Giorgia Meloni prend du galon et s’affiche aux côtés de Joe Biden, le président américain, ou d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Elle apparaît comme un fervent soutien de l’Ukraine, et affiche clairement son hostilité à la Russie de Vladimir Poutine. Elle joue aussi un rôle important dans les négociations entre dirigeants européens à Bruxelles, pour conclure le Pacte asile et migrations, ou pour convaincre Viktor Orban de ne pas entraver l’aide à l’Ukraine. À l’extérieur, Meloni offre donc le visage d’une droite fréquentable, et pas si radicale que cela. À l’intérieur en revanche, la dirigeante italienne donne des gages à son électorat et elle le fait sur deux grands thèmes : les valeurs familiales et la lutte contre l’immigration illégale.

    « Un leurre pour l’opinion italienne »

    Dans le nord-ouest de Rome, juste en contrebas du Verano, le plus grand cimetière de la ville, un attroupement se forme à la tombée de la nuit, le long d’une large avenue embouteillée. C’est ici que tous les soirs, les bénévoles de l’ONG Baobab Experience viennent en aide aux migrants illégaux que la route de l’exil a conduits jusqu’à Rome. «On leur apporte de quoi manger, des vêtements et aussi des couvertures ou des sacs de couchage pour la nuit, parce qu'il n'y a pas de centre pour les migrants en transit à Rome » , explique Andrea Costa, président de Baobab Experience. «Depuis 2015, la majorité des personnes que nous aidons vient d’Afrique de l’Est : Éthiopie, Érythrée, Soudan, Somalie…»

    Le long du mur, assis sur le trottoir, Jack vient de terminer son repas : des pâtes au pesto, un fruit et quelques biscuits. Maintenant rassasié, ce jeune Soudanais nous raconte son périple, de son pays en guerre à la Libye, puis à la Tunisie, et enfin la traversée de la mer Méditerranée. « Je suis arrivé à Lampedusa, et de Lampedusa ils nous ont emmenés en Sicile, à Catane, et ensuite à Rome. Ici je dors dans la rue, dans le froid… Il n’y a que ces gens qui nous aident, qui nous donnent à manger le soir. »

    Durant la campagne électorale qui l’a menée au pouvoir, Giorgia Meloni a promis un blocus maritime pour empêcher l’arrivée des réfugiés sur le sol italien. Une promesse radicale, que la dirigeante n’a jamais appliquée. Mais son gouvernement a rendu plus difficile le travail des ONG qui viennent en aide aux réfugiés, que ce soit en mer lors des sauvetages, ou sur terre, une fois débarqués. Quant à la situation en Italie des migrants illégaux, elle n’a fait qu’empirer. «Giorgia Meloni est clairement en train d’aggraver les choses pour les réfugiés en rendant les voyages de moins en moins sûrs, de plus en plus dangereux et mortels, dénonce Alice Basiglini de l’ONG Baobab Experience.Et puis, une fois arrivées, toutes ces personnes sont laissées dans un vide juridique pendant très longtemps, sans avoir la possibilité d'obtenir des documents, sans hébergement et sans possibilité de travailler légalement. Je pense que l’objectif principal de Meloni est de surfer sur la rhétorique de la prétendue « invasion de migrants » parce que c’est utile à son récit politique. Au niveau économique ou diplomatique, elle ne s’est pas vraiment différenciée des gouvernements qui l’ont précédée… donc elle se sert de ce thème comme d’un leurre pour l’opinion publique.»

    DIAPORAMA

     

    « Je suis une mère chrétienne et italienne ! »

    L’autre grand thème de prédilection pour Giorgia Meloni sur la scène intérieure, c’est la défense des valeurs traditionnelles : la glorification d’une Italie chrétienne, attachée à la famille, et opposée à ce que la dirigeante italienne a qualifié de « lobby LGBT ». « Moi, je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère !scandait-elle sur les tribunes électorales en 2022, pour le plus grand bonheur de ses partisans…. Je suis italienne ! Je suis chrétienne ! Et personne ne me l’enlèvera !» Depuis son arrivée au pouvoir, dans les régions italiennes, l’accès à l’avortement n’est pas interdit, mais il est rendu plus difficile selon les associations féministes… quant aux familles homosexuelles, elles ont vu leurs droits parentaux remis en question devant les tribunaux italiens. « Quand mon fils est né, seule ma partenaire a pu le reconnaitre, raconte Alessia Crocini, militante LGBT et présidente de l’association Famiglie Arcobaleno (Familles Arc-en-Ciel)… J’ai dû faire une procédure d’adoption et j’ai finalement réussi… aujourd’hui il a deux parents et il porte mon nom de famille. » Alessia Crocini nous reçoit dans la chambre de son fils et s’excuse avec le sourire du désordre et des boîtes de Lego qui s’empilent dans un coin de la pièce. Durant les huit années qui ont précédé l’adoption, Alessia a vécu le calvaire des « parents fantômes », sans aucun droit parental sur son fils. « Je ne pouvais pas prendre de décisions en matière de santé, je ne pouvais pas l’emmener se faire vacciner ou aller chez le pédiatre. Parce que vous n’êtes pas un parent légal vous n’êtes rien, vous êtes comme un baby-sitter ou un étranger. C’est difficile de devoir expliquer ça à son enfant, et lui expliquer ce qu’est l’homophobie. »

    En janvier 2023, quelques mois après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, son gouvernement demande aux mairies italiennes de ne plus tolérer la double parentalité pour les familles homosexuelles… un cauchemar pour les mères qui ont dû alors défendre en justice leurs droits parentaux. «À Padoue, 38 certificats de naissance ont été contestés par le procureur qui a tenté d’annuler les actes de naissance d’enfants âgés de sept ou huit ans, s’indigne Alessia. En première instance, la justice a donné raison aux familles et a confirmé les actes de naissance. C’est une victoire mais la décision va être examinée en appel et cela ira sûrement jusqu’à la Cour de Cassation. »

    Pour la militante, ce combat judiciaire est le premier acte d’une offensive anti-LGBT voulue par le gouvernement Meloni, une offensive qui évoque selon elle le climat homophobe régnant dans d’autres pays de l’Union européenne, tels que la Hongrie ou la Pologne avant la défaite du PiS (Parti Démocratie et Justice, droite conservatrice) à l’automne dernier (2023). «Il suffit de penser à ce phénomène médiatique qui a explosé en Italie l’année dernière, avec le Général Roberto Vannaci. Ce général a publié un livre homophobe dans lequel il dit que les homosexuels ne sont pas des gens normaux. Ce type est invité à la télévision tous les jours… Et la Ligue du Nord et Fratelli d’Italia se le disputent pour qu’il soit candidat sur leur liste aux Européennes !»

    Double visage, double discours

    Une approche modérée et conciliante à Bruxelles et sur la scène internationale, mais une politique intérieure beaucoup plus offensive sur l’immigration et sur les valeurs traditionnelles : c’est ce double visage, ce double discours, que dénonce la gauche italienne depuis que Giorgia Meloni est arrivée au pouvoir. Dans une salle de réunion de la Chambre des députés à Rome, nous rencontrons Guiseppe Provenzano, parlementaire, ancien ministre, et membre du Parti Démocrate. « Il y a un fil rouge ou plutôt un fil noir qui relie toutes les politiques de ce gouvernement depuis le premier jour, c’est l’attaque contre l’égalité : l’égalité des droits et l’égalité sociale. Meloni a coupé dans les aides sociales, dans les soins de santé. Et les seuls qui ont bénéficié de sa politique ce sont les fraudeurs fiscaux ». La gauche italienne s’inquiète également du projet de réforme constitutionnelle de Giorgia Meloni, qui veut renforcer les pouvoirs du chef du gouvernement – en le faisant élire directement par les Italiens. «C’est le projet le plus dangereux de Giorgia Meloni, celui d’un présidentialisme sans contre-pouvoir. Elle veut faire cela parce qu’elle est l’héritière des néofascistes italiens, et parce qu’elle a besoin d’écrire une nouvelle Constitution pour se légitimer en tant que cheffe de file de la nouvelle droite italienne et européenne.»

    De fait, Giorgia Meloni espère accroître son influence en Europe à l’issue des élections du 9 juin. Une ambition clairement assumée par Tommaso Foti, le chef du groupe Fratelli d’Italia à la Chambre des députés. « Notre objectif était de créer une droite moderne, une droite de gouvernement, une droite capable de redonner à l’Italie un rôle décisif en Europe, et je peux dire que notre objectif a été atteint, plastronne le député d’Emilie-Romagne, qui a participé à la fondation de Fratelli d’Italia en 2012, aux côtés de Giorgia Meloni. À présent, nous pensons que nous pouvons apporter à l’Europe un système équivalent à ce que nous avons réalisé en Italie. Notre projet est une Europe qui gouverne sans les socialistes et sans ces groupes qui se définissent comme écologistes mais qui sont en réalité des éco-extrémistes. »

    Un trait d’union entre les droites

    Forte de son expérience gouvernementale et d’un résultat qui s’annonce prometteur aux Européennes du 9 juin, la dirigeante italienne pourra sinon jouer les « faiseuses de rois » au sein des institutions européennes, en tout cas s’imposer comme une interlocutrice cruciale, à Strasbourg comme à Bruxelles. Mais quelle sera la stratégie européenne de Giorgia Meloni au sein du Parlement européen ? Que fera-t-elle du groupe ECR (Conservateurs et Réformistes Européens), le groupe de droite nationaliste dont les Fratelli d’Italia devraient devenir la principale composante après les élections ? Pour Giovanni Orsina de l’Université Luiss de Rome, la dirigeante italienne voudra en premier lieu défendre les intérêts italiens et accroître son influence au sein des institutions. « Tout d’abord, elle voudra être un acteur majeur de la négociation pour la prochaine Commission. Il faudra sans doute qu’Usrula von der Leyen, la présidente de la Commission, élargisse vers la droite sa majorité… et en échange de son soutien Meloni voudra probablement son propre commissaire. Bien entendu, je pense qu'une stratégie plus large sera de déplacer le plus à droite possible le curseur politique au sein du Parlement.»

    À quelques semaines du scrutin, les sondages accordent une large avance à Giorgia Meloni et à son parti Fratelli d’Italie, une poussée à droite que la dirigeante italienne anticipe et espère également dans le reste de l’Union européenne. «L’idée de Giorgia Meloni, c’est de devenir un trait d’union, un intermédiaire entre l’extrême-droite et la droite traditionnelle du PPE, le Parti Populaire européen», conclut Giovanni Orsina. « Elle veut être celle qui pourra dialoguer à la fois avec les chrétiens-démocrates allemands et avec le RN français. Aujourd’hui, ce dialogue est impossible parce que la droite traditionnelle considère que l’on ne peut pas discuter avec Marine Le Pen… Mais dans deux ou trois ans ? Nous n’en savons rien. Giorgia Meloni pense que l’avenir appartient à la droite et qu’il y a des forces à droite qu’il faudra bien finir par accepter.»

    Wed, 01 May 2024
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