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Chronique des matières premières

Chronique des matières premières

RFI

Céréales, minerais ou pétrole, les ressources naturelles sont au cœur de l’économie. Chaque jour, la chronique des matières premières décrypte les tendances de ces marchés souvent méconnus.

627 - L’Amérique latine vent debout contre l’acier chinois
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  • 627 - L’Amérique latine vent debout contre l’acier chinois

    En Amérique latine aussi, l’acier chinois à bas prix inonde le marché. Les aciéries au bord de la faillite réclament un relèvement des taxes. Le secteur chilien vient d'obtenir gain de cause, provisoirement.

    L’année dernière, 10 millions de tonnes d’acier chinois ont déferlé en Amérique latine. Soit près de 50% de plus que l’année précédente. 

    Une augmentation qui est en accord avec le boom de la Chine sur le marché mondial : le pays fournit aujourd’hui la moitié d’acier commercialisé, alors qu’il n’avait que 15% de parts de marché il y a 20 ans, selon l’Association latino-américaine de l’acier (Alacero). Dernièrement, le ralentissement du secteur de la construction en Chine a créé un surplus d’acier dans le pays, de l’acier donc libre à l’exportation. 

    Preuve de dumping chinois

    À l’instar de Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor qui s’était inquiétée lors de sa dernière visite à Pékin de la surproduction chinoise, l’Amérique latine exprime aujourd’hui sa crainte de voir ses filières locales s’effondrer. «Personne n’est contre le commerce tant que nous parlons de commerce équitable », explicitait il y a quelques jours le directeur exécutif d’Alacero.

    Au Chili par exemple, la principale aciérie a annoncé le 20 mars une suspension de ses activités faute de pouvoir être concurrente avec un acier chinois vendu au moins 40% moins cher. 

    L’entreprise s’est résolue à saisir la Commission chilienne de lutte contre la distorsion. Celle-ci dit avoir trouvé « des preuves suffisantes pour étayer l’existence d’un dumping » de la part de la Chine, et dans la foulée, le ministère chilien des Finances a décidé d’instaurer des taxes provisoires de 25 à 34% sur l’acier chinois. Une première victoire donc pour le secteur local qui attend que ces surtaxes deviennent maintenant pérennes.

    Des pays pris en étau

    Le Brésil ne fait pas exception, il réclame lui aussi un relèvement des droits de douane. Le plus grand fournisseur d’acier de la région a vu sa production baisser d’un peu plus de 6% pendant qu’une vague d’acier chinois submergeait son marché intérieur. Conséquence : l’un des plus grands employeurs du secteur a dû licencier 700 ouvriers.

    Pour plaider leur cause, les défenseurs d’un acier latino-américain compétitif prennent pour exemple la hausse des taxes sur l’acier importé décidée par les États-Unis, en 2018. Une hausse que Joe Biden promet encore plus forte.

    Mais les grands importateurs d’acier sont aujourd’hui pris en étau entre le soutien à leur filière et le respect des accords commerciaux qu’ils ont signés avec la Chine. 

    Thu, 02 May 2024
  • 626 - Les majors du cacao investissent dans la production en Amérique latine

    Investir dans des plantations de cacao, à grande échelle, et avec des variétés à haut rendement, c'est la nouvelle tendance chez les multinationales du cacao, qui ont déjà jeté leur dévolu sur plusieurs milliers d'hectares en Amérique latine.

    La dernière annonce en date est celle de Barry Callebaut, qui s'est allié à une entreprise agricole de Bahia au Brésil sur une plantation de 5 000 hectares, soit environ la moitié de la surface de Paris. La multinationale a déjà expérimenté la culture de ce cacao nouvelle génération dans ce qu'elle appelle « une ferme du futur », d'un peu plus de six cents hectares dans la vallée de Cerecitas, en Équateur. L'objectif affiché du chocolatier suisse est de développer une culture à un niveau industriel, tout en faisant de la durabilité la norme.

    C'est précisément ce qui séduit aujourd'hui les industriels qui investissent en Amérique latine : la région offre des millions d'hectares de terres libres et propices à l'agriculture, selon un expert de la filière, des terres « qui cochent toutes les cases » pour répondre aux exigences de durabilité de la nouvelle règlementation européenne devant entrer en vigueur à la fin de l'année.

    Le modèle ouest-africain en question

    C'est donc du pain béni pour les multinationales confrontées à une chute de la production en Afrique de l'Ouest, et à des plantations vieillissantes dont le rendement n'a pas évolué depuis des années. Sans parler de la difficulté à tracer les fèves issues d'une multitude de parcelles. « Les niveaux de production ont atteint un plateau »,assure notre interlocuteur, pour qui le modèle des petites plantations ouest-africaines de quelques hectares, a atteint ses limites.

    Ce contexte pousse de plus en plus d'industriels à devenir donc aussi des « planteurs », pour garantir leur approvisionnement et peut-être aussi moins dépendre des cours mondiaux.

    Le projet de Barry Callebaut n'est pas le premier du genre. Depuis quelques années déjà, le groupe Mars, associé au trader Ecom, a lancé une plantation pilote de 4 000 hectares en Colombie : Andean Cacao Project entend être le déclencheur d'une « transformation mondiale du secteur », loin des pratiques « désuètes » qui prévalent aujourd'hui peut-on lire sur le site du projet.

    Plantations de cacaoyers à haut rendement

    Le projet repose à 80% sur la variété hybride CCN-51, « un cacao fantastique » selon un de ses défenseurs, qui offre une grosse fève riche en beurre et « bien suffisante » en matière de goût pour des barres chocolatées. Ce cacao a surtout le mérite d'avoir un rendement qui peut dépasser deux tonnes à l'hectare contre 500 à 600 kg pour les variétés ouest-africaines.

    La liste des industriels prêts à investir dans ce modèle de culture du cacao plus rentable et plus sécurisé, pourrait très vite s'allonger : selon nos informations, l'Américain Mondelez et l'Italien Ferrero chercheraient eux aussi à prendre des parts dans des plantations d'Amérique latine. 

    Wed, 01 May 2024
  • 625 - Un raz-de-marée de GNL attendu sur le marché

    D'ici à deux ans, la production de gaz naturel liquéfié pourrait inonder le marché, selon un rapport de l'Institut pour l'économie de l'énergie et l'analyse financière. Cette explosion de l'offre devrait s'accompagner d'une augmentation moins forte des besoins. Un cocktail qui devrait plaider sur une baisse des prix.

    L'addition des capacités de production actuelles, à celles qui sont en construction ou dont le financement est approuvé annonce une vague massive de GNL sur le marché. En chiffres, cela pourrait se traduire par une augmentation de la capacité mondiale d'approvisionnement de 40% dans les cinq prochaines années, à en croire l'Institut pour l'économie de l'énergie et l'analyse financière, auteur d'un rapport sur le sujet.

    Plus de la moitié des nouveaux projets se situent au Qatar et aux États-Unis, selon l'Agence internationale de l'Énergie, pays qui illustre parfaitement cet engouement pour le gaz naturel liquéfié. Les États-Unis n'en produisaient pas avant 2016, mais ont réussi à devenir l'année dernière le premier exportateur mondial. 

    Demande médiocre

    En Amérique comme ailleurs, les projets ont été dopés par deux années de prix élevés, liés à la hausse des importations européennes pour compenser la baisse des achats de gaz russe. Des prix qui en contrepartie ont affecté la croissance de la demande, qualifiée de médiocre par les auteurs du rapport, selon le rapport l'IEEFA sur les perspectives mondiales pour le GNL 2024-2028, comme si les grands importateurs avaient été refroidis par les prix et avaient autant que possible misé sur d'autres sources d'énergie. 

    Chez les acheteurs qui comptent, tels que le Japon, la Corée du Sud et l'Europe, les commandes de GNL ont globalement stagné l'année dernière, contrairement à ce qui était prévu. À titre d'exemple, les importations japonaises ont chuté l'année dernière de 8% et de 20% au total depuis 2018. La tendance devrait se poursuivre, selon le rapport, en raison de l'augmentation annoncée de la production nucléaire et du développement des énergies renouvelables. La Corée du Sud, historiquement le plus gros acheteur de GNL américain, prévoit de son côté une baisse des importations de GNL de 20% d'ici à 2030 pour répondre à ses objectifs climatiques.

    Des prix qui s'annoncent plus attractifs

    Sur les marchés asiatiques émergents, la croissance fondamentale de la demande est confrontée à une multitude de défis, défis budgétaires, et aussi retards dans la construction d'infrastructures de GNL. Pour des raisons économiques et stratégiques propres à chaque État, les niveaux d'importation à venir sont donc très incertains au Vietnam, aux Philippines, au Pakistan, mais aussi en Chine, selon l'IEEFA.

    Ce contexte de déséquilibre entre l'offre et la demande devrait atténuer les prix, et les rendre plus attractifs, mais selon les auteurs du rapport, pas suffisamment pour les économies les plus en difficultés d'Asie. Ces prix sont par ailleurs susceptibles d'être à nouveau tirés vers le haut par une escalade du conflit au Moyen-Orient, prévient la Banque mondiale dans ses perspectives sur les marchés mondiaux des matières premières publiées la semaine dernière. 20% du commerce mondial de gaz naturel liquéfié transite par le détroit d’Ormuz rappelle l'institution, qui précise que « si l’approvisionnement en GNL était interrompu, les prix des engrais augmenteraient également considérablement » avec un impact potentiel sur le prix des denrées alimentaires.

    À lire aussiPourquoi le gaz naturel est-il considéré comme une «énergie de transition»?

    Tue, 30 Apr 2024
  • 624 - La culture de l'avocat, une filière en surproduction que le marché européen peine encore à absorber

    Toujours loin derrière la consommation moyenne américaine, la demande européenne d'avocats progresse : elle a augmenté de 9% en 2023 selon les chiffre de l'Organisation mondiale de l'Avocat. Mais ce n'est pas encore assez pour absorber les quantités d'avocats mises sur le marché par l'Amérique Latine.

    Après les États-Unis, l'Europe est le deuxième marché pour l'avocat, ce gros fruit vert, qui est un des plus chers au détail et souvent consommé comme un légume. Et bonne nouvelle pour les producteurs, la consommation a augmenté de 9% en 2023 en Europe, avec comme premier fournisseur toujours le Pérou. Un consommateur européen mange en moyenne 1,6 kilo d'avocat sur une saison, loin derrière encore l'Américain qui en consomme 3,5 kilos.

    Mais l'Europe peut encore mieux faire si elle veut contribuer à absorber les volumes d'une filière en surproduction : les vergers ont grandi ces dernières années et la production mondiale n'a pas encore atteint son pic selon Éric Imbert, expert de la filière pour la revue économique Fruitrop, éditée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

    L'exemple du Hass Avocado Board

    L'exemple américain l'a prouvé, avec de l'argent et une promotion efficace, la consommation peut grimper. Mais le Hass Avocado Board est une structure bien implantée aux États-Unis et tire ses 80 millions de dollars de budget de contribution obligatoire.

    L'Organisation mondiale de l'Avocat, la WAO, qui fait la promotion sur le marché européen n'a pas la même force de frappe. Créée il n'y a pas encore dix ans, elle ne récolte que des contributions volontaires, sans commune mesure avec celles du Hass avocado Board et s'appuie encore pour l'instant sur une équipe restreinte, explique Shelly Vorster, directrice marketing de l'organisation. 

    Une promotion nécessairement très ciblée

    L'autre défi qui se pose à la WAO est de s'adresser à des consommateurs aux habitudes très différentes et donc de devoir adapter les messages pour faire progresser les ventes. On ne cible pas de la même manière un Français qui consomme déjà 2,4 kilos d'avocat par an, et surtout en salade, qu'un Scandinave qui le tartine sur du pain au petit-déjeuner, ou qu'un Italien, à la traine, qui commence à peine à découvrir les vertus du fruit.

    Grâce au potentiel de développement qui existe encore dans certains pays européens, la WAO est optimiste et table sur une croissance de la consommation de 10% par an, sur le continent, pour les 4 à 5 années qui viennent.

    À lire ou à écouter aussiLes producteurs d'avocats kényans victimes de la crise en mer Rouge

    Mon, 29 Apr 2024
  • 623 - La raréfaction des sardinelles au Sénégal inquiète les acteurs de la pêche

    Au Sénégal, alors que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a plaidé lundi 22 avril auprès du président du Conseil européen, Charles Michel, pour une renégociation des accords de pêche signés avec l’Union européenne, les acteurs du secteur et chercheurs s’inquiètent de la raréfaction galopante de la sardinelle au Sénégal et de son impact sur l’économie.

    Elle est un peu plus grande que la sardine, mais a le même aspect allongé. Ronde ou plate, c’est historiquement l’une des principales espèces capturée et consommée au Sénégal. Mais depuis deux ans, la pêche de la sardinelle a drastiquement chuté. Si jusqu’en 2020 les captures tournaient autour de 200 000 tonnes par an, aujourd’hui c’est plutôt 100 000, selon un article signé par quatre chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

    Une surexploitation aux conséquences multiples

    Une baisse qui a un double impact. Économique d’abord : les pêcheurs confrontés à une raréfaction du poisson qu’ils vendent le plus, voient leurs revenus baisser, ce qui expliquerait en partie la forte augmentation des départs clandestins de pêcheurs vers l’Europe ces derniers mois, selon Aliou Ba, responsable de la campagne océan à Greenpeace Afrique.

    Mais l’impact est aussi et surtout social. Si la pêche ne représente que 3,5% du PIB, elle emploie 600 000 personnes, soit près de 17% de la population active, une population qui peine de plus en plus à vivre de cette activité. Autre conséquence : le prix des sardinelles a été multiplié par cinq au fil des mois, devenant de moins en moins accessible pour la majorité des foyers sénégalais alors que 70% des protéines animales sont traditionnellement fournies par le poisson au Sénégal.

    Privilégier le marché local

    Fin janvier, une coalition nationale de pêcheurs a rédigé une charte pour une pêche durable. Parmi les treize demandes, celle d’interdire l’exportation des petits pélagiques, type sardinelle afin de les réserver au marché local, tout comme celle de geler l’octroi de nouvelles licences de pêche alors que les ressources sont surexploitées.

    Pour l’heure, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a prévu de revoir l’accord de pêche qui le lie à l’Union européenne et qui se termine cette année. De son côté, l’ONG Greenpeace, appelle l’État à initier un audit du pavillon sénégalais. Depuis plus de quatre ans, les pêcheurs attendent toujours une liste détaillée des navires autorisés à pêcher en eau sénégalaise.

    À lire aussiSurpêche en Afrique de l’Ouest: «Si vraiment les décideurs voulaient y mettre fin, ils pourraient le faire»

    Fri, 26 Apr 2024
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