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Le grand invité Afrique

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RFI

Du lundi au samedi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'État ou rebelle, footballeur ou avocate... Le grand invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.

944 - Centrafrique: ce mandat d’arrêt contre François Bozizé va dévoiler «certains crimes qui se déroulaient à l’abri des regards»
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  • 944 - Centrafrique: ce mandat d’arrêt contre François Bozizé va dévoiler «certains crimes qui se déroulaient à l’abri des regards»

    L'ancien président centrafricain François Bozizé, qui est réfugié en Guinée-Bissau, répondra-t-il un jour des graves crimes dont il est accusé ? Mardi soir, on a appris que la Cour pénale spéciale de Bangui le poursuivait pour de possibles crimes contre l'humanité et avait lancé contre lui, il y a deux mois, un mandat d'arrêt international. Mais de quoi est-il accusé précisément ? Maître Bruno Hyacinthe Gbiegba est avocat et coordonnateur adjoint du Réseau des organisations de promotion et de défense des droits de l'homme en Centrafrique. En ligne de Bangui, il répond aux questions de RFI.

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    Thu, 02 May 2024
  • 943 - En Afrique de l’Ouest, l’organisation de collectifs pour pallier un «syndicalisme émietté»

    En Afrique de l’Ouest, les travailleurs célèbrent le 1ᵉʳ-Mai dans un contexte syndical en crise. Émiettement des syndicats, éloignement de leur base, comme au Sénégal. Dans les pays du Sahel, dans des contextes de restriction des libertés, la lutte syndicale peine également à se faire entendre. Le professeur Babacar Fall de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, et de l’Institut d’études avancées de Saint-Louis au Sénégal, est historien spécialiste des questions du travail. Il est notre invité ce matin. 

    Professeur Fall, est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui, le syndicalisme au Sénégal, qu'est-ce que c'est ? Il ressemble à quoi ? 

    Je dirais que le syndicalisme ne se porte pas bien. Si l’on compare la situation des syndicats par rapport à la période qui a conduit vers les indépendances, où les syndicats ont véritablement joué un rôle moteur très important dans la lutte contre le colonialisme, dans la mobilisation des travailleurs à travail égal salaire égal, l'adoption du Code du travail, la lutte contre les injustices, la lutte pour l'avènement de l'indépendance. Les syndicats durant cette période ont véritablement joué le rôle de contre-pouvoir avec l'obtention de l'amélioration de la législation pour les travailleurs au regard des lois métropolitaines et au regard également des droits des travailleurs. Donc, ça a été très important.

    Ensuite, après les indépendances, nous avons vu qu'il y a eu une démarcation dès le départ. Mamadou Dia a essayé d'amener les organisations syndicales à contribuer à la construction nationale. Les syndicats n'ont pas voulu appuyer le nouveau pouvoir et le dénouement a été tragique avec la grève de 1959 qui a abouti au licenciement de 3 000 travailleurs. Depuis cette période, il y a une tension entre la fraction des travailleurs voulant collaborer avec l'État et la fraction des travailleurs engagés à vouloir défendre les droits des travailleurs en toute autonomie syndicale. C'est véritablement la pierre d'achoppement.

    Aujourd'hui, avec cette situation de crise économique, il y a une situation marquée par les licenciements, par la liquidation des entreprises, par la flexibilité du droit du travail. Il va sans dire que l'attente des travailleurs est de disposer des outils afin de pouvoir assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux pour pouvoir améliorer leurs conditions de vie.

    Ces travailleurs ne trouvent donc pas les soutiens espérés ? 

    Ces travailleurs ne trouvent pas les soutiens espérés pour plusieurs raisons. La première, c'est que nous avons un émiettement syndical très remarquable. Aujourd'hui, on dénombre une vingtaine de confédérations syndicales. Si on se réfère simplement aux dernières élections de représentativité organisées en décembre 2023, nous avons eu 15 centrales syndicales qui ont participé aux élections, dans un contexte où la syndicalisation n’est plus très forte. Aujourd’hui, il est remarquable de constater que les syndicats n’attirent pas, du fait qu’ils ne s'imposent pas d'emblée comme le cadre qui peut prendre en compte la lutte contre les licenciements, la lutte contre la précarité. Et cette faible attractivité des syndicats n'est pas du tout en faveur de l'émancipation des travailleurs et de la défense de leur pouvoir d'achat. 

    On peut dire que les syndicats se sont trop formalisés. Ils sont devenus trop conventionnels. Et leur émiettement s'explique par des questions de démocratie interne, de démocratie syndicale. Les batailles de contrôle des différentes directions sont autant d'éléments qui font en sorte qu’il n'est pas rare de voir une centrale syndicale se fragmenter en trois ou quatre entités. C'est cela qui est regrettable et qui explique aussi que les syndicats ne sont plus des cadres attractifs pour amener les travailleurs à adhérer, à payer leur cotisation syndicale et à pouvoir véritablement s'identifier au syndicat en tant qu'instrument de lutte et de défense de leurs intérêts matériels et moraux.

    Comment les travailleurs trouvent-ils les moyens de faire valoir leurs revendications ? 

    Les travailleurs sont relativement désarmés, et cela explique qu’il y a des mouvements de plus en plus spontanés qui s'organisent au sein de l'entreprise, avec des collectifs qui se mettent en place pour pouvoir défendre leurs droits. Et ce sont des actions à la base de mobilisation des travailleurs qui suppléent les faiblesses des syndicats. Vous avez par exemple le mouvement Frapp qui fait beaucoup d'agitation en direction des entreprises et qui prend en compte les revendications des travailleurs. Ce mouvement se fait l'écho de la voix et des protestations des travailleurs au niveau de l'opinion, au niveau des médias et au niveau du pouvoir politique. Donc ça je crois que c'est une illustration du fait que les syndicats ne sont pas au front dans la mobilisation pour la défense du pouvoir d'achat des travailleurs.

    Je prends encore l'exemple de Dakarnave. Tout récemment, il y a eu une crise au sujet de sa convention. Pour assurer la gestion de Dakarnave, l’État voulait renouveler la convention avec un groupe de partenaires portugais. Mais cette nouvelle convention stipule la liquidation des acquis des travailleurs. Et la mobilisation s'est faite sur la base du comité mis en place au sein de l'entreprise pour pouvoir mettre la pression sur le gouvernement. Au premier plan, on ne voit pas la mobilisation des centrales syndicales pour pouvoir assurer la défense des travailleurs.

    Ceci dans un contexte également marqué par le coût de la vie très élevé. Au Sénégal, le prix du carburant est de 990 francs le litre alors qu'au Burkina, nous sommes à 700 francs le litre. C'est à peu près le même prix au Mali. Cela participe de l'accentuation du coût de la vie et par rapport à cela, on ne voit pas très bien le rôle de front assuré par les centrales syndicales pour jouer le rôle de contre-pouvoir dans la détermination des prix, pour préserver le pouvoir d'achat des travailleurs. 

    Vous dressez un portrait du syndicalisme au Sénégal en perte d'influence. Est- ce que c’est le même constat pour toute l’Afrique de l'Ouest ?

    Oui, je pense que le portrait du Sénégal cadre parfaitement avec ce que nous pouvons avoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Nigerou en Côte d'Ivoire, étant entendu qu’il existe des particularités selon les pays. Si vous prenez les pays sahéliens qui sont confrontés à des problèmes de sécurité, les syndicats sont confrontés à un autre défi, celui de devoir faire face aux restrictions de libertés. Par exemple, au Mali, des partis politiques ont été interdits d’activité. Il va sans dire que dans des conditions où les libertés sont confisquées par l'État, les libertés syndicales souffrent également. Mais du point de vue des tendances lourdes, à savoir le recul de la syndicalisation, la dispersion syndicale et les décalages entre la prise en compte de la défense du pouvoir d'achat des travailleurs par les syndicats, on constate effectivement que la situation est à peu près la même dans la plupart de ces pays. 

    Au Sénégal, l'arrivée du nouveau président va-t-il changer cette dynamique ? 

    La bonne nouvelle, c'est que, par exemple, pour le 1ᵉʳ mai, on reprend la tradition des défilés pour consacrer le respect des libertés syndicales. Ça avait été interdit pour des raisons disons de sécurité. Les syndicats étaient obligés d’organiser des rassemblements plutôt que les traditionnels défilés, démonstrations d'expression de la volonté des travailleurs de s'identifier à leur syndicat et de pouvoir effectivement exposer au grand public leurs revendications selon les différents secteurs. Je pense qu’il y a eu un recul sur cela ces trois dernières années et c'est heureux que la tradition des défilés cette année soit consacrée.

    Le deuxième élément, je crois qu'il va y avoir une oreille plus attentive du nouveau régime au regard de sa sensibilité par rapport à la demande sociale et également à l'engagement même du pouvoir de devoir faire baisser les coûts de la vie. C'est heureux de constater qu'il y a déjà eu une rencontre entre des confédérations syndicales et le nouveau régime, pour amorcer la conversation sur les mécanismes pour pouvoir participer à la baisse du coût de la vie et par conséquence le renchérissement du pouvoir d'achat des travailleurs. Donc je pense que le nouveau régime ouvre une porte d'espoir. Il faut souhaiter que cette porte d'espoir se consolide et je crois que ça, c'est très important pour les travailleurs. 

     

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    Wed, 01 May 2024
  • 942 - Mamadou Lamine Sarr: «Le Sénégal peut jouer l’intermédiaire entre les pays de l'AES et la Cédéao»

    Après la Mauritanie et la Gambie, la Guinée-Bissau reçoit ce mardi le nouveau président sénégalais. Du temps de Macky Sall, les liens entre Dakar et Bissau étaient forts. Avec Bassirou Diomaye Faye, va-t-on vers le changement ou la continuité ? Et le chef de l'État sénégalais envisage-t-il de rencontrer aussi les officiers putschistes qui dirigent les trois pays voisins du Sahel : le Burkina, le Mali et le Niger ? Mamadou Lamine Sarr enseigne les sciences politiques à l'université Cheikh Hamidou Kane de Dakar. En ligne de la capitale sénégalaise, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

    RFI : Du temps de Macky Sall, les relations entre Dakar et Bissau étaient fortes, témoins les quelque 120 soldats sénégalais qui sont déployés à Bissau dans le cadre de la force de stabilisation de la Cédéao. Est-ce que tout cela pourrait changer avec le président Diomaye Faye ? 

    Mamadou Lamine Sarr : Je pense que ce sera plutôt l'inverse, ce sera une consolidation, à mon avis, de cette dynamique-là, parce qu’il y a quand même des intérêts économiques et, surtout, de sécurité au niveau de la frontière. La Guinée-Bissau est confrontée à de grands problèmes au niveau du narcotrafic. Le Sénégal a des difficultés encore au niveau de sa frontière, des difficultés héritées notamment du conflit avec le MFDC [Mouvement des forces démocratiques de Casamance, NDLR], donc le conflit casamançais. Il y a des intérêts communs mutuels pour que ces deux pays-là, à mon avis, consolident leurs relations. 

    Avec le contingent sénégalais, le président Macky Sall a pu consolider son alliance avec le président Sissoco contre les rebelles casamançais du MFDC. Et vous pensez qu'avec le président Diomaye Faye, c'est la même politique qui va être poursuivie ? 

    Tout à fait, je pense qu’il y aura une forme de continuité sur le conflit casamançais. 

    Avant la Guinée-Bissau, le président Diomaye Faye s'est rendu en Mauritanie. Dans le domaine énergétique, Bassirou Diomaye Faye veut renégocier le contrat du Sénégal avec British Petroleum en vue de l'exploitation à venir du gaz et du pétrole offshore. Mais c'est un gisement que le Sénégal partage avec la Mauritanie. Ne faut-il pas que les présidents sénégalais et mauritanien se mettent d'accord avant toute renégociation ?

    Oui, je pense que c'est une condition. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le président Diomaye Faye, entre autres, s'est rendu en Mauritanie. Il est important de discuter de cela. Mais au-delà même de la possibilité, et peut-être de la nécessité, de s'accorder avec la Mauritanie… Avec ses spécialistes, le président Diomaye Faye a très certainement réévalué l'accord qui a été signé et s'est rendu compte, peut-être, à son avis, que les intérêts du Sénégal n'étaient pas assez défendus. Maintenant, est-ce que ce contrat-là, il y a une partie qui a été signée avec la Mauritanie ? Très certainement. Est-ce qu'il y a une partie qui oblige seulement le Sénégal ? Très certainement également. Et donc, c'est sur ces deux leviers que le Sénégal peut jouer à travers sa nouvelle diplomatie et, ce qui est certain, c'est que les Sénégalais, l'opinion publique sénégalaise en général, accordent une grande importance à l'exploitation du gaz et du pétrole, que ce soit par le Sénégal lui-même et avec ses voisins. 

    Mais, pour l'instant, la compagnie pétrolière British Petroleum n'a pas l'air très favorable à une renégociation de ce contrat. Quelles sont les chances de réussite du nouveau gouvernement sénégalais ? 

    Oui, cette entreprise-là, cette grande compagnie pétrolière, a certainement des raisons pour ne pas renégocier le contrat. Mais si un État dit cela, c'est qu'il a également des raisons pour le faire et ce n'est pas une première dans l'histoire du monde. Beaucoup d'États, je pense notamment à des pays en Amérique latine, ont renégocié des contrats avec de grandes entreprises et on a su trouver un équilibre. D'autres ont été un peu plus loin, en allant jusqu'à nationaliser carrément la production ou l'exploitation de certaines ressources. Donc tout ça, ce sont des possibilités qui ont eu lieu. Mais ce qui est certain, c'est que le Sénégal, en tant qu’État souverain, est lié effectivement par des contrats qu'il a signés. Mais il a également, comme tout État, la possibilité de revoir ces accords en coopération avec les autres signataires et il y aura plusieurs leviers sur lesquels le président du Sénégal pourra jouer. 

    À l'investiture du président Diomaye Faye, il y avait des représentants de plusieurs régimes putschistes d'Afrique de l'Ouest. Et sur le réseau X, le numéro un burkinabé, le capitaine Traoré, s'est dit prêt à œuvrer avec le Sénégal à la rénovation de la coopération sous-régionale. Est-ce que le nouveau président sénégalais pourrait convaincre les trois pays de l'Alliance des États du Sahel [AES] à ne pas rompre définitivement avec la Cédéao ? 

    Je pense qu’à l'heure actuelle où on parle, s'il y a quelqu'un qui peut essayer de jouer l'intermédiaire ou essayer de rapprocher nos frères du Burkina, du Mali et du Niger, c'est bien le président Diomaye Faye, parce qu’avec les autres puissances que sont la Côte d'Ivoire et le Nigeria, il semble que les discussions, que les postures soient très extrêmes, soient difficiles. Donc le Sénégal, avec l'alternance politique, a cette chance de pouvoir jouer un rôle là-dessus. D'autant plus qu'il y a des sujets sur lesquels, quand même, ce président est en accord avec ces juntes au pouvoir. Je pense notamment à la question du franc CFA, sur laquelle les positions sont très claires et, à mon avis, cette question peut être un levier justement pour faire retourner les pays qui avaient officiellement quitté la Cédéao, ces trois pays donc de l’AES. Je pense que le Sénégal a un rôle à jouer là-dessus. 

    Donc on peut s'attendre à une rencontre, peut-être, entre le président Diomaye Faye et certains de ses voisins sahéliens ? 

    Je pense que ce n'est pas à exclure, même si ce sont des régimes que les autres considèrent comme des régimes non-démocratiques. Je pense que, vu la posture et la dynamique engagée par le président Diomaye Faye sur les questions internationales, il n'est pas à exclure que le président Diomaye Faye se rende au Burkina ou au Mali, ou inversement, et que des discussions soient engagées. Je pense que c'est quelque chose qui est, à mon avis, fort probable. 

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    Tue, 30 Apr 2024
  • 941 - Pour l’ambassadeur de RDC à Paris, «en demandant des sanctions contre le Rwanda, la France prendrait date dans l’histoire»

    À l’agenda de la visite officielle du président congolais Félix Tshisekedi en France, ces 29 et 30 avril, il y a deux points essentiels : la fin de la guerre à l’Est et le développement économique. Sur le premier point, l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) à Paris, Emile Ngoy Kasongo, ne cache pas, au micro de RFI, qu’il espère que le président français demandera des sanctions contre le Rwanda. Sur le second point, le diplomate congolais attend beaucoup du forum économique franco-congolais organisé ce 30 avril à Bercy, à Paris, avec le patronat français (Medef).

    RFI : Qu’est-ce que vous attendez de cette visite officielle du chef de l’État congolais à Paris ?

    Émile Ngoy Kasongo : D’abord une relance à la fois de la coopération et également des questions des diplomaties majeures entre le gouvernement français et celui de la République démocratique du Congo dans un contexte marqué, comme vous le savez, par la situation difficile, la situation de guerre, d’instabilité, d’insécurité, à l’est de la RDC.

    Il y a un an, on se souvient, le président Macron, c’était à Kinshasa, a eu des mots assez durs contre votre pays. « Depuis 1994, a-t-il dit,vous n’avez pas été capable de restaurer la souveraineté de votre pays, ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative, c'est une réalité et il ne faut pas chercher de coupables à l'extérieur…»

    Oui, et ses propos avaient fâché l'opinion congolaise. Mais il faut dire qu'il faut savoir passer l'éponge dans la mesure où il y a eu immédiatement une réaction aussi musclée de notre président, Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi qui avait répondu, et nous pensons que c’est tout ça aussi qui fait une belle histoire, une belle histoire qu’il y a entre la France et la RDC.

    En effet, Félix Tshisekedi avait répondu lors de cette visite du président français à Kinshasa : « Regardez nous autrement, en nous respectant et pas toujours avec un regard paternaliste et pas toujours avec l'idée de savoir ce qu'il faut pour nous »…

    Oui, bien sûr. La RDC revendique sa maturité dans tous les domaines : politique, diplomatique et sa prise en charge existentielle.

    Alors tout ça, c'était au sujet évidemment de la situation militaire dans l'est de votre pays. Qu'est-ce que vous reprochez aujourd'hui aux pays occidentaux, et notamment à la France ?

    Le silence coupable de la communauté internationale, parce que la cause majeure, ce n'est pas une guerre des religions et une guerre d'idéologies, une guerre de valeurs, mais c'est une guerre de pillage des ressources naturelles.

    Alors vous parlez de pillage et il y a quelques jours, vous avez mis en demeure la société Apple parce que vous l'accusez d'utiliser des minerais provenant des mines congolaises exploitées illégalement par le Rwanda…

    Oui, c’est ce que nous appelons les minerais de sang. Des minerais de sang, des minerais de la fraude. Et pour ça, je pense que nous avons ici aussi en ligne de mire également l'accord que vous connaissez, le protocole d'accord d'entente entre l'Union européenne et le Rwanda et pour lequel nous réclamons jusqu'aujourd'hui qu'il puisse y avoir traçabilité et transparence. Une chaîne de valeur ne doit pas partir du milieu, elle doit partir dès l'origine, c’est-à-dire dès la production. On ne peut pas démarrer une chaîne de valeur essentiellement au point d'approvisionnement, mais il faut qu'on regarde aussi le point de la production.

    La société Apple répond qu'à sa connaissance, il n'y a pas de minerais exploités illégalement. Elle se réfère à la certification iTSCi selon laquelle il n'y aurait pas de contrebande au bénéfice du Rwanda…

    Reste à vérifier tout cela. Mais pour notre part, nous considérons que le Rwanda, jusqu'à preuve du contraire, ne dispose pas d'une cartographie minière prouvant réellement que ces minerais ont été exploités au Rwanda.

    Cette mise en demeure devant la justice française, quelques jours avant l'arrivée du président Tshisekedi en France, ce n'est pas une coïncidence ?

    Bien entendu, puisque déjà vous vous souviendrez, il y a eu des milliers de jeunes Congolais ici en France, en Belgique, à Londres et même aux États-Unis qui sont allés faire les sittings devant les enseignes de cette multinationale pour dénoncer justement la pratique en la matière qui favorise justement l'exploitation illégale de ce type de minerais stratégiques.

    Qu'est-ce que le président Tshisekedi attend du président Macron ? Est-ce que vous demandez des sanctions internationales contre le Rwanda ?

    Il est évident que la Société des Nations aujourd'hui est organisée sur base du droit international. Lorsque le droit international est violé, qu'est-ce qu'on fait ? Avec la Russie, comparaison n'est pas raison, mais on regarde parfois entre intellectuels. J'étais à la Sorbonne dans une conférence, les étudiants en relations internationales ont constaté que la situation de la RDC était pratiquement parallèle à la situation entre la Russie et l'Ukraine. C'est une violation, une agression…

    Et vous venez d'ailleurs d'autoriser l'Ukraine à installer une ambassade à Kinshasa…

    Nous sommes un pays indépendant, démocratique et souverain. Nous avons des relations diversifiées dans le monde et c'est le propre de tous les pays. Et donc, nous sommes en droit de demander des sanctions, parce que lorsqu’il y a eu violation du droit international, il n'y a pas autre chose. Lorsque la Russie est entrée en Ukraine, on a entendu par ci par là d'abord la condamnation, la demande de retrait, on ne s’est pas arrêté là, et on a exigé au terme des sanctions. Des sanctions, pourquoi ? Parce que l'intégrité territoriale, la souveraineté, l'indépendance de chaque État dans le monde est régie par des règles de droit international.

    Donc vous voudriez que le président français prononce le mot sanctions contre le Rwanda ?

    Je pense que ce serait faire justice, ce serait aussi prendre date dans l'histoire.

    La semaine dernière, les présidents français Emmanuel Macron et rwandais Paul Kagame se sont parlé au téléphone et selon l'Élysée, Emmanuel Macron en a profité pour insister sur la nécessité de respecter l'intégrité territoriale de votre pays. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

    Nous pensons qu'il faut... On est des humains, on est des hommes, et il y a aujourd'hui la France qui se parlent avec l'Allemagne : tout est oublié parce qu'ils ont su se parler, ils sont arrivés à se parler, mais pour se parler, il faut le faire dans les règles du droit, de la justice. Il faut que finalement, en fin de compte, qu'on ait des réparations également.

    Emmanuel Macron a également parlé récemment avec le président angolais Joao Lourenço, est-ce qu'on peut imaginer que le président français fasse médiation entre vos deux pays, le Congo et le Rwanda ?

    La France a les atouts et la France devrait utiliser ces atouts-là.

    La grosse journée, ce sera avec le déjeuner de travail entre Messieurs Macron et Tshisekedi et ensuite le forum économique à Bercy. Ce forum avec notamment le patronat français avec le Medef, qu'est-ce que vous en attendez ?

    Nous attendons beaucoup. Nous pensons que la RDC aujourd'hui, avec son potentiel, est en phase de diversification de son économie. Je prends seulement le secteur agroalimentaire où la France est super champion du monde.

    Pourquoi l’agroalimentaire ? Parce que vous êtes très loin de l'autosuffisance alimentaire ?

    Très loin de l'autosuffisance alimentaire. Notre autosuffisance alimentaire aujourd'hui est couverte par 60 % en importations. Alors, comme vous l'avez dit, nous avons des terres arables, plus de quatre 4 millions d'hectares de terres arables.

    Donc, vous avez un potentiel…

    Nous avons un potentiel majeur, mais il faut maintenant le mettre en jachère, et pour cela, nous avons besoin aussi de l'expérience de ceux qui ont maîtrisé ces secteurs. Vous savez, pour le chef de l'État aujourd'hui, la RDC a fonctionné très longtemps en comptant sur les minerais et il faut maintenant que les sols prennent la revanche sur les sous-sols. Ça, c'est le leitmotiv du président de la République Félix Antoine Tshisekedi.

    Mon, 29 Apr 2024
  • 940 - Affaire Pascaline Bongo: «On espère un procès fin 2025, début 2026, mais rien en vue à court terme»

    Pascaline Bongo a-t-elle monnayé ses pouvoirs quand son frère, Ali Bongo, était président du Gabon ? Lundi 22 avril, le tribunal correctionnel de Paris a jugé que non et l'a relaxée. Mais jeudi, le parquet national financier (PNF) a fait appel de cette décision. Il y aura donc un second procès. Surtout, la famille Bongo est visée par la justice française dans une autre procédure, celle des biens mal acquis (BMA). Et cette fois, Ali Bongo lui-même pourrait être poursuivi. Sara Brimbeuf est responsable du plaidoyer sur les flux financiers illicites à l'ONG Transparency International. 

    Sat, 27 Apr 2024
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